TEXTE:
Les juges sortirent, puis ils rentrèrent, et le président me lut mon arrêt.
– Condamné à mort ! dit la foule ; et, tandis qu’on m’emmenait, tout ce peuple se rua sur mes pas avec le fracas d’un édifice1 qui se démolit. Moi je marchais, ivre et stupéfait. Une révolution venait de se faire en moi. Jusqu’à l’arrêt de mort, je m’étais senti respirer, palpiter, vivre dans le même milieu que les autres hommes ; maintenant je distinguais clairement comme une clôture2 entre le monde et moi. Rien ne m’apparaissait plus sous le même aspect qu’auparavant. Ces larges fenêtres lumineuses, ce beau soleil, ce ciel pur, cette jolie fleur, tout cela était blanc et pâle, de la couleur d’un linceul. Ces hommes, ces femmes, ces enfants qui se pressaient sur mon passage, je leur trouvais des airs de fantômes.
Au bas de l’escalier, une noire et sale voiture grillée m’attendait. Au moment d’y monter, je regardai au hasard dans la place. – Un condamné à mort ! criaient les passants3 en courant vers la voiture.
Condamné à mort !
Eh bien, pourquoi non ? Les hommes, je me rappelle l’avoir lu dans je ne sais quel livre où il n’y avait que cela de bon, les hommes sont tous condamnés à mort avec des sursis indéfinis. Qu’y a-t-il donc de si changé à ma situation ?
Et puis, qu’est-ce que la vie a donc de si regrettable pour moi ? En vérité, le jour sombre et le pain noir du cachot, la portion de bouillon maigre puisée au baquet des galériens, être rudoyé, moi qui suis raffiné par l’éducation, être brutalisé des guichetiers et des gardes-chiourme, ne pas voir un être humain qui me croie digne d’une parole et à qui je le rende, sans cesse tressaillir4 et de ce que j’ai fait et de ce qu’on me fera ; voila à peu près les seuls biens que puisse m’enlever le bourreau.
1- édifice : un bâtiment. 2- une clôture : une fermeture. 3- les passants : les gens qui passent. 4- tressaillir : trembler.
QUESTIONS:
I. ÉTUDE DE TEXTE : 10 points
1) Recopiez et complétez le tableau suivant en répondant aux questions : (1 point)
Quel est le titre de l’œuvre? | En quelle année a-t-elle été publiée? | Qui en est l’auteur? | Dans quel but l’a-t-il écrite? |
….. | …… | ….. | ….. |
2) Répondez aux questions suivantes pour situer le texte : (1 point)
a)- Dans ce texte, le narrateur est-il au Tribunal, à Bicêtre ou à la Conciergerie ?
b)- Pourquoi est-il dans ce lieu ?
c)- Où la voiture noire l’emmènera-t-elle après ?
3) Le narrateur décrit son état avant et après sa condamnation à mort. (1 point)
a)- Relevez les deux indicateurs de temps qui correspondent à ces deux moments.
b)- Dans quel état d’esprit le narrateur était-il à chacun de ces deux moments ?
4) a)- En décrivant son état, quel sentiment le narrateur veut-il provoquer chez le lecteur ?
b)- Quelle tonalité (ou registre) donne-t-il alors à son texte ? (0,5 point)
5) Le narrateur n’était pas seul dans la pièce qu’il occupait. Pourquoi ne s’en est-il pas rendu compte? (1 point)
6) « Au bas de l’escalier, une noire et sale voiture grillée m’attendait. »
a)- Quelle est la figure de style employée dans cette phrase ?
b)- Cette figure de style met en valeur chez le narrateur, un sentiment de fierté, de malheur ou de colère ? (1 point)
7) Dites si les affirmations suivantes sont vraies ou fausses en justifiant votre réponse à partir du texte : (1,5 point)
a- Le narrateur n’est pas surpris par sa condamnation à mort.
b- Le narrateur est un homme cultivé (de culture).
c- Le narrateur avait reçu une bonne éducation.
8) a)- D’après les deux derniers paragraphes du texte, le narrateur accepte-t-il sa condamnation à mort ?
b)- Relevez à partir de ces mêmes paragraphes deux arguments qui justifient votre réponse. (1,5 points)
9) a)- Comment les passants se comportent-ils avec le narrateur après sa montée dans la voiture ?
b)- Êtes-vous d’accord avec ce comportement ? Pourquoi ? (1 point)
10) D’après votre lecture de cet extrait, dites si le narrateur mérite d’être condamné à mort ? Justifiez votre opinion. (1 point)